Le
Wu-Tang Clan est un collectif d'artistes américains de hip-hop principalement actifs durant les années 1990. Les neuf membres qui le composent sont originaires des quartiers new-yorkais de Staten Island et Brooklyn.
À l'origine du groupe, il y a RZA, GZA et Ol' Dirty Bastard. Ils viennent tous les trois de Brooklyn, un des cinq quartiers de New York. Passionnés par la musique soul de leurs parents et par la culture hip-hop omniprésente dans le ghetto de New York, ils créent ensemble une première ébauche de groupe,
All in Together Now, qui ne connaîtra aucune suite. C'est à cette époque qu'ils s'inventent leurs premiers alter ego. RZA est le « Scientifique », GZA le « Génie » et Ol' Dirty Bastard le « Spécialiste ». De son côté, RZA s'autoproduit sur un single au ton léger qui ne marchera pas en 1991 sur le label Tommy Boy :
Ooh, We Love You Rakeem. Pour sa part, GZA est le seul membre du groupe à avoir réalisé un album avant l'avènement du Clan. En 1991,
Words from the Genius, signé chez Cold Chilin' et précédé par le single
Come Do Me, reste cantonné au milieu underground new-yorkais et ne parvient pas à décoller. Ces deux échecs vont forger la détermination de RZA qui se sent lésé par des labels qu'il juge incompétents. Le Wu-Tang reste le groupe de rap qui a eu le plus de connexions internationales comme le groupe marseillais IAM.
Peu à peu, la nébuleuse des membres va s'élargir avec l'arrivée de Raekwon, Ghostface Killah, Inspectah Deck, Method Man, U-God et Masta Killa qui signent ensemble un pacte afin de former une communauté artistique et financière. Le Wu-Tang Clan n'est pas qu'un collectif, il devient sa propre industrie. Certains membres sont originaires du Bronx bien que le quartier général de la formation reste Staten Island, quartier encore en retard à l'époque en matière de rap. Depuis, le quartier, qu'ils renomment « Shaolin », en référence au film
La 36e chambre de Shaolin, est devenu indissociable du nom de Wu-Tang. Les neuf rappeurs se font rapidement connaître avec l'arrivée d'un premier maxi autoproduit en septembre 1992,
Protect ya Neck (que l'on peut traduire par
Protège ta nuque), qui devient rapidement un succès underground avec des passages dans la programmation rap de la radio
Hot 97, une station très populaire de New York.
En 1993, repéré par de nombreuses maisons de disques, le groupe, dont c'est l'une des décisions les plus paradoxales, se réunit finalement autour de la table du président du label Loud Records implanté sur la côte ouest et obtient un premier contrat pour un disque. Grâce aux négociations habiles de RZA, chaque rappeur conserve la liberté de sortir de futurs projets solo chez d'autres maisons de disques. C'est ainsi que le Wu-Tang Clan sort son premier album,
Enter the Wu-Tang (36 Chambers), en novembre de la même année. Cet opus change la donne du hip-hop en remettant le rap East Coast au goût du jour. Aux commandes, RZA délivre un son novateur à travers des samples de soul des années 1970, mêlant ambiances glauques et dialogues de
films de kung-fu, le tout servi par des beats minimalistes et des flows rageurs. L'album se divise en deux approches,
Shaolin et
Wu-Tang Sword, symbolisant ainsi le combat comme une forme de discipline qu'ils ont appliqué à leur rap. Bien qu'il n'ait débuté qu'à la
41e place des charts en novembre 1993, l'album devient rapidement un incontournable du genre, reçoit deux awards, dont celui de meilleur groupe de rap, puis devient peu de temps après
disque de platine. Le titre
C.R.E.A.M. (Cash Rules Everything Around Me) est l'un des titres-phare de l'album.
À la même époque, RZA se consacre également à un projet parallèle, Gravediggaz, en compagnie de Prince Paul (le producteur des débuts de De La Soul),
Frukwan (ex-
Stetsasonic) et
Poetic. Le premier album,
6 Feet Deep, se présente comme du rap hardcore ou plutôt
horrorcore comme ils le définissent eux-mêmes, mêlant ambiance de film d'horreur et humour noir. RZA confirme une fois encore ses talents de producteur mais aussi de rappeur.
La période suivant cette première heure de gloire marque l'ère des projets solo. Comme convenu dans leur contrat, chaque membre, mis à part Inspectah Deck, U-God et Masta Killa, réalisent leurs premiers albums exclusivement produits par RZA. Le premier à connaître la gloire avec son
Tical est Method Man chez Def Jam qui deviendra disque de platine. Peu après, sur le label Elektra, Ol' Dirty Bastard sort
Return to the 36 Chambers: The Dirty Version où il dévoile un peu plus son personnage de « crevard », qu'il endosse à merveille.
Only Built 4 Cuban Linx… de Raekwon sort en 1995 chez Loud et dresse à sa manière un tableau de la vie impitoyable dans les bas-fonds de New York.
Liquid Swords de GZA, paru sur le label Geffen, délivre une ambiance à la fois sombre et nostalgique. Quant à l'album de Ghostface Killah,
Ironman, sorti en dernier, il devient un franc succès commercial, notamment avec son duo en compagnie de Mary J. Blige sur
All that I Got is You. Il est le premier album du groupe à sortir sur Razor Sharp, le label monté par RZA.
En juin 1997 sort le second album du groupe au grand complet,
Wu-Tang Forever, composé de deux CD et d'une piste CD-Rom. Le succès est immédiat : l'album se hisse directement à la première place des charts et 600 000 copies s'écoulent dès la première semaine. Toujours réalisé par RZA malgré l'apparition d'autres producteurs sur quelques morceaux (
4th Disciple : producteur de Killarmy et
True Master), cet album est au demeurant moins expérimental que son prédécesseur mais tout aussi envoûtant par l'utilisation de sons moins organiques.
C'est véritablement à partir de cet album que le groupe se fait connaître du grand public avec des titres comme
Triumph,
Reunited ou
As High As Wu-Tang Get. L'apparition des violons sur les boucles de certains titres reste « la » griffe de l'album. Un nouveau membre, Cappadonna, fait à cette occasion officiellement son apparition au sein du groupe.
La période suivante voit l'arrivée de la seconde vague d'albums solo et des premiers opus de Cappadonna en 1998 avec
The Pillage et d'Inspectah Deck,
Uncontrolled Substance en 1999, qui se révèlent tous deux d'excellente facture. Peu après, U-God s'essaye également au solo avec un
Golden Arms Redemption. Quant aux vétérans Method Man, GZA, Ol' Dirty Bastard, Raekwon et Ghostface Killah, ils sortent successivement leur deuxième album. À l'insu de tous, RZA publie un album expérimental,
In Stereo signé sous l'alias Bobby Digital, qui constitue en réalité la bande originale d'un
court-métrage éponyme tourné par ses soins.
Le « posse » (c'est-à-dire un groupe d'artistes musicaux dans lequel il n'y a pas de hiérarchie, à l'inverse d'un crew) étend peu à peu sa mainmise sur l'industrie du rap en produisant de nouveaux artistes comme Killarmy ou
Sunz Of Man, en lançant une marque de vêtements (
Wu-Wear), divers sociétés de production (
Wu-Tang Production) et deux labels (
Razor Sharp et
Wu-Tang Records). Le concept de
Killa Bees fait son apparition, les « abeilles tueuses » représentant les artistes gravitant autour du groupe originel. Les albums
Wu-Tang Killa Bees - The Swarm: Volume 1 et
Wu-Chronicles sont des mélanges de compilations et de recueils de titres inédits qui présentent tour à tour les membres rattachés au Wu-Tang tel que R.A. the Rugged Man,
Northstar,
Wu-Syndicate, Shyheim,
Popa Wu,
DJ Allah Mathematics ou encore Royal Fam.
La parution de l'album
The W reste une demi-déception pour les fans. Malgré les excellents
Protect Ya Neck (The Jump Off) et
Gravel Pit, ce projet sonne moins authentique que ses prédécesseurs et plus formaté. Ol' Dirty Bastard, alors en prison (d'où le clin d'œil dans le clip de
Gravel Pit où lorsqu'il rappe on ne voit que ses bras derrière des barreaux), n'est présent que sur un seul titre. Cet album marque la fin de l'isolement volontaire du clan avec la participation d'artistes extérieurs sur certains morceaux tels que Snoop Dogg, Busta Rhymes, Nas, Redman ou Isaac Hayes.
Iron Flag, paraît le 18 décembre 2001 et ne suit pas la même voie que son prédécesseur : chaque titre parvient réellement à replonger l'auditeur dans les ambiances uniques des débuts du groupe. Il semblerait que l'unité artistique du groupe ait de nouveau fonctionné.
Le 17 mars 2003, une compilation des différents artistes du Wu-Tang clan est commercialisée, elle est intitulée
Wu-Tang Collective.
Le groupe entame une tournée d'adieu au milieu de l'année 2004, avec notamment un passage à Paris en juillet, avant la parution de ce qui semblait alors leur dernier album en tant que groupe sous la forme d'un best-of et d'un live ainsi qu'un ouvrage sur l'histoire et la philosophie du groupe. Le
Wu-Tang Manual, écrit par RZA, constitue le seul support écrit officiel traitant de l'histoire du groupe. À noter que Masta Killa sort enfin son premier album solo :
No Said Date en 2004, et est plébiscité par la majeure partie des amateurs du Wu de la première heure.
Le 13 novembre 2004, une page se tourne avec le décès de Ol' Dirty Bastard, l'un des membres fondateurs du groupe, à la suite d'une crise cardiaque alors qu'il enregistrait son nouvel album en studio. L'autopsie a conclu qu'il avait été victime d'une trop grande consommation d'antidépresseurs et de cocaïne. Plusieurs versions d'albums posthumes sont sortis depuis lors sous la forme de mixtapes. ODB avait laissé un album complet :
A Son Unique, sorti officiellement malgré, ou grâce à sa diffusion underground sur les réseaux
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