Le mot se passait avec ferveur depuis des mois au sein du jeune (et du moins jeune) rap français. L’Entourage était sur le point de mettre un point final à son tout premier album, C’est désormais chose faite : le collectif hip-hop le plus en vue de ces dernières années va sortir son premier album. Pour ceux qui les croyaient cantonnés aux battles (ils étaient à l’origine du projet Rap Contenders) ou aux échappées   solitaires (1995, S-Crew, Deen Burbigo, Doums, Jazzy Bazz, Eff Gee), aussi brillantes soient-elles, s’étaient mis le micro bien dans l’œil.

L’Entourage a décidé de passer la vitesse supérieure avec un premier essai d’une fraîcheur de fou, qui rassemble toutes les forces vives d’un des posses les plus attendus depuis le collectif Time Bomb.

Certes il a fallu du temps : pour rassembler les troupes, caler les emplois du temps, gratter les textes, unifier les flows, peaufiner les beats, mettre le tout en place. Mais l’attente en valait la peine. Les textes sont ciselés et oulipiens, campés sur des prods futuro-vintage qui empruntent autant aux nineties (madeleine de ces jeunes MC) qu’aux productions actuelles.

Produits de leurs environnements, développant une acuité et un phrasé hors du pot commun, les Entouragiens, parfois soutenus par des cadors de la prod (Clément Animalsons sur un « Jim Morrison » qui flaire bon le Blackstarr à la française), évoquent des adolescences souvent passées à zoner dans les rues de Paris, entre soirées ratées (écoutez « Comme ça » et son instru total west coast) et journées qui n’en finissent pas.

L’Entourage c’est du vécu dans le micro, des morceaux qui s’étendent mais toujours pour le meilleur, racontant sans phare et sans faille la vie de ces jeunes gens modernes. Les plus attentifs auront capté le saxo sous lexomil de « Caramello », déjà distribué sur le net. Il a y aussi « Fous la Merde », qui est au final un peu destiné à tout le monde et à certains têtes  du rap game qui se reconnaîtront – et tant pis pour eux.

L’Entourage a 99 problèmes, notez-le, mais ce qui parasite sa progression n’en est pas un. Dense, drôle, percutant, le premier essai du collectif sait aussi ménager des pauses et des plages plus coolos. On pense à «Anges & Démons», compil de délires post-ados ou pré-adultes (c’est selon) ou l’on déclare la fin des bastons, où l’on envoie même un refrain en anglais. Les égos se déchaînent sur l’instru ultra acide de « C’était écrit », se calment sur «Bal Masqué » et sa lente litanie (rien avoir avec la fameuse compagnie, rassurez-vous), avant que la réalité ne s’éloigne sur « Ce Monde », titre un peu déprimé et ode par le bas à l’after bédo (on parle d’un truc « triste comme une fête des mères à l’orphelinat », pas besoin de dessin hein).

L’histoire se poursuit avec le très spacy « Invasion », histoire d’une lente prise de pouvoir avec les yeux rougis par la mobylette (ou autre moyen de « loco-motion »), et qui pourrait s’enchaîner comme à la parade avec un «Jeunes Entrepreneurs » qui a lui seul donne envie de monter un label : Medef Jam, par exemple. Avant de laisser la clique, pas question de mettre de côté un « Soixante-Quinze » tribute à la ville du crew (notons cette punch qui sent le vécu : « Je baise une meuf à Couronnes l’autre à Place d’Italie » – vive le passe Navigo) ou un «Fais-Le » en placé en forme de leitmotiv, qui devrait pouvoir ouvrir ou conclure comme il se doit les performances scéniques d’un Entourage qu’on attend désormais de pied ferme, sur scène comme partout ailleurs.